
Le quizz du post-urbain
Le quizz du Mouvement post-urbain : êtes-vous véritablement prêt.e.s à vivre sobrement à la campagne ?
Face à la crise écologique que nous connaissons, le Mouvement Post-Urbain défend l’option d’une nouvelle géographie, plus rurale qu’urbaine. Cette option rejoint a priori une proposition qui a le vent en poupe ces derniers temps : créer des espaces de vie tournés vers l’écologie, les biorégions. Depuis les mondes militants urbains jusqu’aux institutions (européennes singulièrement), en passant par les mondes de la recherche, l’idée se diffuse. Il est vrai qu‘il nous faudra bientôt faire subsistance et ainsi fonder autrement en sensibilité et en raison nos relations à nos milieux de vie et aux mondes vivants, en abaissant la charge imposée par nos existences.
Toutefois, à en juger le nombre d’écrits du moment, de telles perspectives biorégionales entraînent des métropoles à se proclamer en voie de conversion. Les savoirs dont ces pensées émanent en attestent clairement : mondes de l’architecture et de l’ingénierie, mais aussi de l’art et des sciences de la nature. Or, vus les métabolismes en jeu, vus les rapports extractifs aux milieux, ainsi que les « bienfaits » du capitalisme urbain, cela semble osé que d’envisager ceci depuis les cadres bétonnés (voire fantaisiste…). En fait, tel que nous le disions en 2021 dans « Biorégion. Pour une écologie politique vivante » (Carnets de la décroissance, n°4), toute biorégion digne de ce nom ne peut sérieusement et décemment, ontologiquement et épistémologiquement, se réaliser que depuis l’intérieur des ruralités !
En 1981, Van Andruss, Christopher Plant, Judith Plant et Eleanor Wright publiaient un quizz biorégional dans le n°32 de CoevolutionQuartely. Republié en 1990 sous le titre de Home! A Bioregional Reader, ce quizz se composait de 20 questions ayant pour particularité d’évaluer surtout la sensibilité biorégionale par la connaissance du (mi)lieu écologique de vie, et de s’inscrire dans une perspective naturaliste voire parfois survivaliste. Là était sans doute le témoin d’une représentation nord-américaine de la nature (la wilderness), expliquant en retour le succès de la notion chez les néo-ruraux ayant fraichement quitté la ville, en France également. Mais là est sans doute la raison du caractère selon nous inopérant d’une telle notion, lorsque, dans les campagnes hexagonales, terroirs et pays géographiques font encore mondes communs.
Ce quizz nord-américain cherchait en fait bien plus à interpeller sur la méconnaissance des conditions écologiques de toute vie biorégionale qu’à trouver un chemin pragmatique d’évolution post-urbaine. C’est ce chemin pragmatique que nous proposons d’amorcer en adaptant le quizz à nos ruralités et plus largement à ce qu’il faudrait comprendre pour s’y installer, sans s’imposer. Il questionne bien davantage usages et pratiques, systèmes de besoins existants et comportements à adopter par l’expérience que ne le font les seules connaissances tirées d’observations plus ou moins immersives, construites en dehors de l’historicité des mondes ruraux que nous connaissons. Il traite non seulement d’écologie, mais également de tout ce qui peut encore y être lié, de cultures et de sociétés, d’économie et de politique, et que toute perspective post-urbaine ne saurait manquer d’amener, singulièrement lorsqu’il s’agit de sortir des grandes densités pour habiter autrement la terre.
Ses questions, volontairement fermées, sont en fait symptomatiques des formes de vie qui ne sont pas, loin s’en faut, sans renouer et/ou emprunter aux vies rurales et aux communautés villageoises comme formes d’habiter, avec dedans indéniablement aussi de nouvelles ruralités développées par de nouveaux installés : voisinage et communautés, savoir-faire et connaissances situées, habitat et activités… et quelques festivités.
Que faudrait-il un peu connaître et expérimenter pour ne pas importer croyances et visions, et ce faisant plaquer une écologie assez faiblement clairvoyante sur les réalités matérielles et politiques de la subsistance et de l’autolimitation notamment ? En aurez-vous l’expérience ou simplement la préscience pour éviter d’imposer des manières de faire très urbaines aux ruralités ?

